Trouver l’équilibre intérieur pour mieux grandir vers l’extérieur

Ravie de vous retrouver aujourd’hui pour un nouvel article de la série commencée ici, consacrée aux coulisses de mes projets d’études en école d’architecture d’intérieur.

Pourquoi cette envie de vous écrire à ce sujet ?

Parce que j’ai réalisé à quel point ce qu’on crée est toujours en partie un reflet de qui nous sommes.

Tout au long de ma reconversion, mes projets ont reflété mon état d’esprit du moment, les sujets qui me tenaient à cœur. Il y a de moi dans chaque projet, d’une manière ou d’une autre. Alors quelle meilleure manière de continuer à faire connaissance que de vous partager les coulisses de ces projets, ce qu’ils ont représenté pour moi et ce à quoi ils m’ont confrontée.

Comme un portrait chinois, dis-moi quels projets tu as fait, je te dirais qui tu es !

L’occasion aussi pour moi de vous montrer qu’on a beau penser répondre à un exercice dirigé, il y a une part de nous en chaque projet.

Aujourd’hui, je reviens sur un projet réalisé en 3ème année d’école et qui représente un certain défi : celui d’intégrer une extension à une maison.

(Car oui, en tant qu’architecte d’intérieur, nous sommes habilités à concevoir des extensions dans la limite de 150 m² de surface au sol totale, incluant l’existant. Bon ici, pour l’exercice, on est allé un peu au-delà de cette limite 😉)

Assumer la transformation intérieure aux yeux du monde extérieur

Hasard ou non, cette 3ème année d’école correspond justement à l’année de « l’extension » de la reconversion. C’est l’année où l’on passe de cours uniquement le soir et le week-end à des cours aussi le vendredi toute la journée. L’année donc où on doit commencer à officialiser un peu sa démarche, assumer auprès de son entourage professionnel, soit en demandant un temps partiel, soit en quittant son précédent travail. Bref, l’année où on ne peut plus cacher son projet, l’année où la transformation de notre vie professionnelle commence à être vraiment visible au grand jour ! Un peu comme la construction d’une extension, la transformation ne se fait plus uniquement à l’intérieur, à l’abri des regards, dans l’espace privé, elle s’assume aux yeux de tous, au monde extérieur.

En l’occurrence, de mon côté, je viens de quitter mon CDI dans la Haute-Joaillerie quelques mois plus tôt, et je suis en stage dans une agence d’architecture d’intérieur (Studio Chloé Nègre) du lundi au jeudi en parallèle des cours à l’école d’archi le vendredi et samedi. L’architecture d’intérieur occupe donc désormais la majorité de ma vie !

Plan masse de l'existant

Plan masse du bâtiment existant

Plan masse du projet

Plan masse du projet d’extension

Mais revenons-en à ce projet très à propos à cette étape de la reconversion. Il s’agit donc de rénover une maison résidentielle en lui ajoutant une extension et en intégrant un espace professionnel pour l’un des habitants.

Comme pour chaque projet d’étude, nous sommes libres d’imaginer le scénario client qui nous convient, et forcément, ce scénario révèle déjà beaucoup de nous-même !

Pour ma part, je décide d’y glisser deux de mes passions : la photographie et le yoga.

Mes clients fictifs seront donc un couple dont la femme anime des retraites et cours de yoga et l’homme est passionné de photographie (petite contrainte supplémentaire puisque je dois donc prévoir un espace qui puisse lui servir de labo photo argentique).

Ces deux activités, bien que très différentes en apparence, se rejoignent plus qu’il ne semble.

Elles proposent toutes les deux, chacune à leur manière, d’adopter différents points de vue : par le choix du cadrage du photographe par exemple et par l’invitation à prendre du recul en apaisant le flux de ses pensées grâce aux postures de yoga (d’ailleurs, de nombreuses postures dites inversées invitent à voir le monde littéralement sous un autre angle, la tête en bas…).

Adopter différents points de vue pour ouvrir de nouvelles perspectives

Cette notion de point de vue est donc mon premier fil conducteur pour guider ma conception de ce projet d’extension. D’autant qu’en analysant l’existant, la maison telle qu’elle est initialement manque d’ouvertures et donc de lumière. Il me paraît donc important de travailler une extension qui vienne apporter de nouvelles perspectives, aussi bien via la circulation à l’intérieur de la maison que dans ses ouvertures sur le jardin.

La problématique du projet se résume donc en la question suivante : comment l’extension, au-delà d’un simple ajout de surface habitable peut venir redessiner les espaces pour offrir de nouvelles perspectives à ses habitants ?

Plan et coupe de l’existant

Comme je viens de l’évoquer, l’analyse de l’existant est primordiale à tout projet d’extension, il est important d’identifier clairement les forces et faiblesses de l’habitat initial pour capitaliser sur ses atouts tout en palliant ses défauts via l’extension. On vient s’appuyer sur les forces de l’espace initial pour permettre de le sublimer avec le nouvel espace.

On analyse la maison, mais aussi bien sûr, et c’est tout aussi important, le terrain autour ! Quelle place y a-t-il pour construire, comment s’étendre sur le terrain tout en préservant au maximum le jardin, y a-t-il du vis-à-vis et donc des contraintes externes à respecter, comment être conforme au plan d’urbanisme… ? Bref, de nombreuses questions à se poser qui vont aussi guider la conception.

 

Dans ce projet d’architecture, les objectifs étaient principalement de trouver l’équilibre entre :

  • L’architecture existante et la nouvelle
  • L’emprise de la maison sur le terrain et le jardin,
  • La création de nouvelles ouvertures pour apporter de la lumière et l’acceptation de zones d’ombres assumées

Pour réussir ce numéro d’équilibriste, je me base sur quelque chose que je connais bien : la force des oppositions. C’est un principe physique élémentaire que j’expérimente chaque jour à travers la danse ou le yoga : pour tenir en équilibre il faut que deux forces opposées se compensent. (Pensée spéciale pour ma prof de danse qui comprendra la référence !)

Et si je reviens à l’espace, quel est le chemin le plus court pour réunir deux points opposés : la diagonale !

Ce sera donc mon concept : La force de la diagonale comme colonne vertébrale du projet pour équilibrer les espaces.

Après de nombreuses recherches, aussi bien en croquis qu’en maquette, je dessine une architecture qui joue donc sur une diagonale qui va traverser le bâtiment existant pour remodeler l’espace et l’ouvrir davantage vers l’extérieur et l’exposition Sud.

Cette diagonale, tour à tour matérialisée par des pleins ou des vides, va permettre d’équilibrer les espaces intérieurs en les amenant à grandir vers l’extérieur.

En venant casser le rythme du bâtiment existant, la diagonale apporte une nouvelle dynamique permettant de créer un lieu qui sort de l’ordinaire tout en répondant parfaitement au cahier des charges des propriétaires.

Plan du RDC

RDC

Plan du R+1

R+1

Ainsi, le bâtiment de départ est traversé de part en part aussi bien au RDC qu’au 1er étage par une diagonale qui redistribue les espaces et crée de nouvelles perspectives.

  • Au RDC, la diagonale permet d’accueillir une vaste pièce à vivre avec une nouvelle vue sur le jardin. Et à l’extrémité opposée, au niveau de l’arrière-cour, elle vient matérialiser un coin bureau.
  • Au 1er étage, la diagonale héberge une chambre et crée un bow-window au niveau de la façade sur rue.
Façade sur rue

Élévation de la façade côté rue

Un deuxième bâtiment indépendant du premier est créé pour accueillir les cours de yoga dispensés par la cliente du projet. L’important ici était de pouvoir clairement séparer cette activité de la maison principale tout en créant un lien entre les deux. Le lien se fait donc de manière indirecte de deux manières :

  • Par le vide au RDC : la diagonale du salon vient créer une zone d’ombre entre elle et le nouveau bâtiment qui longe la rue.
  • Par le plein au R+1 : la diagonale de la chambre vient cette fois se poser sur le 2ème bâtiment et profite ainsi de son toit comme d’une terrasse.

L’espace créé entre les deux bâtiments au RDC est ainsi protégé par le surplomb de la chambre au R+1 et devient un passage à l’abri des regards pour faire le lien entre les deux bâtiments.

Vue maquette depuis le jardin

Croquis du studio de yoga

Croquis du studio de yoga

Coupe CC'

Coupe transversale du projet montrant l’interaction entre les deux bâtiments grâce à l’extension diagonale de la chambre du R+1

A l’intérieur du bâtiment principal, on retrouve ce jeu de plein et de vide, tout particulièrement dans l’entrée. Un hall cathédrale accueille le visiteur avec un escalier encastré dans une « boîte » qui permet d’accéder aux chambres à l’étage. La chambre dans la diagonale du R+1 s’appuie d’ailleurs en partie sur la boîte contenant l’escalier pour trouver son équilibre. Le laboratoire photo requis par le client vient se cacher dans la boîte contenant l’escalier, à proximité immédiate de l’espace bureau.

Comme un jeu de construction et de volumes imbriqués, chaque élément qui agrandit l’existant s’appuie sur des forces en son centre. Les différents éléments de l’extension donnent une nouvelle dimension au bâtiment initial depuis son cœur, jusqu’à l’extérieur.

Maquette du projet – vue ouverte

Croquis de l’entrée

Et finalement à bien y réfléchir, ce sujet de l’extension, c’est exactement comme le processus pour sortir de sa zone de confort !

Parce que, qu’est-ce qui nous pousse à sortir de notre zone de confort ? C’est bien cette volonté de gagner en compétences, en expériences… en somme, notre besoin d’agrandir notre espace intérieur.

Or, pour ce faire, on doit apprendre à déconstruire certains murs intérieurs pour oser grandir vers l’extérieur. Et déconstruire, on le sait, ce n’est jamais confortable ! Il n’y a qu’à penser aux travaux : il en faut du courage pour tout démolir, on ne sait jamais trop ce qu’on va trouver en abattant un mur, ça fait du bruit, de la poussière, ça fait peur quand on voit une partie de son lieu de vie sous les gravats, et ça demande d’avoir une vision, de savoir ce qu’on veut, et de la patience et de la persévérance pour tout reconstruire derrière. Mais quelle joie à la fin, quand on a enfin un nouvel espace de vie, plus grand, plus lumineux, plus adapté à nous-même.

Croquis du salon dans l'extension

Croquis du salon dans l’extension

Croquis du bureau à l’opposé du salon

Alors comme dans le projet d’extension architecturale, pour agrandir notre zone de confort « mentale », il est important au préalable d’identifier clairement nos manques (nos peurs, nos freins intérieurs, nos croyances…) et nos murs porteurs (nos valeurs, nos qualités fondamentales, nos forces…). Parce que c’est sur ces piliers qu’on va pouvoir s’appuyer, puiser des ressources pour aller s’étendre, affronter le terrain inconnu et l’épreuve des « travaux » intérieurs pour se créer un nouvel espace dans lequel on se sentira plus à l’aise.

Traverser une zone inconfortable est inévitable, un temps de chantier, qui nous met au défi, nous pousse à oser, sans toujours savoir ce qui nous attend derrière. Mais in fine, quelle satisfaction quand ce qui nous paraissait inaccessible initialement devient un nouveau terrain de jeu dans lequel on se sent parfaitement bien. Quelle victoire quand on a réussi à agrandir sa zone de confort !

Alors je vous souhaite le courage du chantier d’une extension pour agrandir vos espaces intérieurs aussi souvent qu’il sera nécessaire pour vivre la vie de vos rêves ! Certes, cela prend du temps, mais qu’est-ce que cela vaut le coup !

Et pour ceux qui voudraient voir plus d’éléments concernant ce projet d’école, tout est dans mon portfolio, juste  !