Trouver l’équilibre dans le mouvement

Heureuse de vous retrouver pour un nouvel article, premier d’une série que j’aimerais consacrer à mes projets d’études réalisés tout au long de ma reconversion.

Pourquoi cette envie de vous écrire sur ce sujet ?

Parce que j’ai réalisé à quel point ce qu’on crée est toujours en partie un reflet de qui nous sommes.

Tout au long de ma reconversion, mes projets ont reflété mon état d’esprit du moment, les sujets qui me tenaient à cœur. Il y a de moi dans chaque projet, d’une manière ou d’une autre. Alors quelle meilleure manière de continuer à faire connaissance que de vous partager les coulisses de ces projets, ce qu’ils ont représenté pour moi et ce à quoi ils m’ont confrontée.

Comme un portrait chinois, dis-moi quels projets tu as faits, je te dirais qui tu es !

L’occasion aussi pour moi de vous montrer qu’on a beau penser répondre à un exercice dirigé, il y a une part de nous en chaque projet.

C’est pour ça qu’un client choisit un architecte d’intérieur et pas un autre. Il choisit celui ou celle avec qui il entre d’une certaine manière en résonance. Celui ou celle qu’il pense le/la plus à même de comprendre ses besoins, ses centres d’intérêts, ses rêves, pour les retranscrire concrètement dans la matière.

C’est pour ça que j’aime tant accompagner mes clients avec une dimension holistique. En apprenant à vous connaître, en explorant vos problématiques en profondeur, cela me permet de créer un projet qui aura autant votre empreinte que la mienne.

Bien sûr, mon regard est toujours présent en filtre dans mon travail, mais l’essentiel pour moi est qu’il s’appuie sur vous, vos envies, votre personnalité. Le projet doit être le résultat de notre rencontre. La rencontre de mon approche et de qui vous êtes. Et c’est ce qui rend chaque projet unique.

Bref, à travers cette série d’articles, j’espère vous permettre de comprendre comment je peux tisser des liens entre qui vous êtes et votre projet d’architecture ou de décoration et vous donner un aperçu de plusieurs facettes de ma personnalité.

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Et on commence donc cette série avec le tout premier projet réalisé pendant ma reconversion.

Un projet qui n’était pas exactement de l’architecture d’intérieur mais davantage de la scénographie évènementielle, en extérieur d’ailleurs. Un moyen d’explorer nos modes d’expression créative. Un prétexte aussi à expérimenter la démarche de création. Se familiariser avec la notion de concept. Découvrir comment on part d’un embryon d’idée qu’on va venir nourrir et faire grandir pour arriver au projet final.

Le sujet de ce projet : concevoir une installation éphémère qui prendrait place dans le parc Martin Luther King dans le 17ème arrondissement pour promouvoir la pratique du sport en vue des JO de Paris 2024.

Vaste programme me direz-vous !

La première étape consiste à préciser ce programme justement, en choisissant l’orientation qu’on souhaite donner à ce projet, quels sports on veut proposer, de quelle manière, avec quel discours pour promouvoir la pratique du sport. A ce stade, aucunement question d’architecture donc, mais c’est la connaissance de ces éléments qui donneront ensuite tout leur sens au projet architectural.

Pour clarifier ce programme, je me rends sur place, au Parc, à la fois le week-end, en plein après-midi, mais aussi tôt le matin, en semaine, à l’heure où les Parisiens se rendent au travail. J’observe les modes d’interactions des passants avec l’espace. J’observe le quartier. J’observe et je note. Je dessine. Les premières idées apparaissent petit à petit.

Premier point : le parc est situé dans une zone plutôt résidentielle, entouré d’immeubles récents dont les balcons offrent une vue plongeante sur le parc.

Très vite me vient une idée : je veux créer une structure qui sera visible depuis les immeubles environnants, comme une invitation pour les habitants à sortir de chez eux pour venir faire du sport dans cet espace.

Je brainstorme, je cogite et je trouve mon mot : MOVE. Comme une invitation. Une injonction vitale.

« Move ! Bouge ! Mets-toi en mouvement ! Sors de ta zone de confort et d’inaction ! La vie, c’est le mouvement ! »

J’ai envie qu’on puisse lire ce mot à travers ma structure, d’une façon ou d’une autre.

Deuxième point : j’observe qu’il y a deux typologies d’interactions principales avec le parc. Une typologie du mouvement, rapide, pressé, des passants qui traversent le parc pour aller prendre le métro, des coureurs et des sportifs de la semaine qui y trouvent un lieu d’entrainement. Et une typologie du repos, plus lente et calme, des familles qui viennent s’y détendre avec les enfants le week-end, des promeneurs solitaires et des lecteurs des bancs publics.

Et cela s’assemble dans ma tête : ce parc est un espace d’équilibre.

Un équilibre entre le mouvement et le repos, entre un rythme dynamique et un rythme plus lent. Un équilibre qui permet à chacun de se sentir bien à sa façon. Comme dans le sport finalement. Comme dans la vie.

« La vie c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre. »

Cette citation d’Einstein résume bien le propos.

J’aime cette notion d’équilibre dans le mouvement, et n’est-ce pas ce que je suis en train de faire avec cette reconversion ?! Alors je décide de centrer mon projet là-dessus.

Proposer un espace où l’on proposera des pratiques sportives pour retrouver son équilibre. Aider les citadins pressés à prendre du temps pour eux, à ralentir et ramener du mouvement dans leur vie.

Le programme se dessine : je veux concevoir un espace où il y aura à la fois possibilité de prendre des cours de yoga, pilate, danse, des sports de reconnexion au corps en conscience, mais aussi des espaces pour faire de l’escalade, dans cette idée de prendre de la hauteur, se dépasser, se challenger et changer de point de vue. Un espace parcours sportif libre pour que chacun puisse s’approprier l’infrastructure à sa manière. Et un espace de repos avec des gradins, propice à prendre une pause, échanger avec d’autres personnes.

Et pour matérialiser tout ça, je pense à un ruban. Comme un fil rouge. Un fil conducteur autour duquel se déroule mon projet. Un ruban comme une pelote de laine, un ruban emmêlé qu’on vient démêler. Tirer le fil pour dérouler l’idée et y voir plus clair. C’est à ça aussi que sert le sport. Se vider la tête. Mettre en ordre ses pensées.

Un ruban qui tout en délicatesse va dessiner les lettres du mot « Move ».

C’est presque un travail de calligraphie. De graphiste. Que sais-je ? L’exploration est lancée.

A ce stade, nous n’avons aucune contrainte de budget pour imaginer ce projet, donc tout est possible, c’est la connexion à la plus pure créativité.

S’en suit un travail minutieux et laborieux pour affiner l’idée. Des croquis, des maquettes de recherches. De nombreux aller-retour avec les professeurs qui nous encadrent. Creuser l’idée, la nourrir, la faire grandir, l’emmener toujours plus loin…

De nombreux échanges qui me conduisent à ajouter des arches, comme de gigantesques cadres au projet. L’objectif premier ? Donner plus de présence à la structure qui doit être clairement visible depuis la rue. Mais cela me permet aussi de rythmer le déroulé du ruban. En posant ces cadres, je viens créer comme des arrêts sur image. Des photos instantanées qui viennent décomposer le mouvement.

Au moment de présenter ce projet devant mon tout premier jury d’école d’archi, je suis dans mes petits souliers. J’ai mis tout mon cœur dans ce projet, toute mon énergie et tout ce que j’aime. Je commence à comprendre à quel point cette reconversion va être transformatrice. Un chemin de reconnexion à moi-même bien plus profond que ce que je pouvais imaginer.

A ce stade, je suis encore dans la recherche d’une validation extérieure. J’ai besoin qu’on vienne me confirmer dans mon envie d’avancer sur ce chemin. Est-ce que je vais être à la hauteur ? Est-ce que j’ai enfin trouvé ma voie ?

Certes, le développement personnel nous apprend à ne pas faire dépendre notre valeur du jugement d’autrui. Oui la sécurité et la certitude doivent être intérieures. Mais on n’en reste pas moins des êtres humains qui agissent en société et pour qui la validation d’autrui peut être importante. Qui plus est la validation d’un autre qu’on considère comme qualifié et légitime pour nous juger du fait de son expérience. Cette validation peut être nécessaire pour nous rassurer. Je le reconnais humblement. J’avais besoin de cette validation. Je l’espérais de tout mon cœur.

J’ai donc fait ma première présentation, un peu crispée de stress, mais animée par la flamme que ce projet avait allumée en moi. Je me suis laissée porter par ma passion pour ce projet, porter par mon amour pour ce projet, mon bébé, mon premier projet d’architecture.

Et parce que quand on y croit et quand on est passionné, tout est possible, ce projet a été un succès ! Un véritable soulagement et une joie immense ! Et je ne parle pas de note, d’ailleurs, il n’était même pas noté ce premier projet, preuve s’il en est que c’était une initiation, une mise en route… mais les commentaires que je rêvais d’entendre à l’orée de ce chemin que je commençais : « vous êtes faites pour ça ! ». Des mots qu’on n’oublie pas ! La confirmation qu’il me fallait. La confirmation que oui, je suis sur le bon chemin.

Parce que comme la thématique de mon projet, moi aussi j’étais alors en pleine mise en mouvement pour transformer ma vie. Moi aussi je cherchais cet équilibre entre les différents domaines de ma vie. En recherche d’équilibre dans le mouvement.

Ce premier projet aura en quelque sort été mon mantra. Un guide. Un élan qui va me porter ensuite pour continuer d’avancer sur ce chemin qui ne faisait que commencer.

Et 4 ans plus tard, je suis tellement pleine d’amour et de gratitude pour cette version de moi-même qui a osé se mettre en mouvement. Qui a osé se lancer. Qui a osé explorer une nouvelle part d’elle-même, osé renouer avec sa part créative endormie.

Se mettre en mouvement pour réaliser ses rêves, c’est honorer l’énergie de vie en soi.

Au moment de ce premier projet, j’étais encore en CDI dans mon ancienne boîte. Personne ou presque ne savait que je prenais des cours le soir et le samedi. J’ai travaillé ce projet en déplacement professionnel à Hong-Kong, le soir dans ma chambre, à gribouiller des idées sur le bloc-note de l’hôtel…  J’ai passé un certain nombre de nuits blanches pour finaliser la maquette, donner la forme que je voulais à mes idées pour rendre un projet dont je serai fière. Et malgré la fatigue physique que cela a pu représenter, je ne m’étais jamais sentie aussi vivante depuis bien longtemps. J’étais pleine d’une énergie insoupçonnée qui m’a portée, pleine de cet élan, de cette envie de réaliser mon rêve, d’expérimenter cette nouvelle voie. Pleine d’énergie de vie. Sans ça, c’est sûr que j’aurais pu abandonner avant même d’avoir commencé.

C’est ça aussi que je voulais vous partager à travers ce projet, se mettre en mouvement pour réaliser ses rêves, c’est honorer l’énergie de vie en soi. Et c’est bien ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue.

Je vous souhaite de savoir trouver l’élan qui vous met en mouvement pour réaliser vos rêves…